La méthanisation est une filière en plein essor en France et encore peu connue du grand public. C’est une vraie solution vers une économie circulaire, responsable et locale. Pourtant, elle suscite de nombreuses questions et inquiète souvent par manque d’informations. Ainsi, nous sommes allés à la rencontre d’acteurs touchés de près ou de loin par ces sujets pour répondre aux préjugés fréquents.
LES AVANTAGES DE LA MÉTHANISATION SONT NOMBREUX. CETTE NOUVELLE FILIÈRE EST UNE VÉRITABLE OPPORTUNITÉ ÉCONOMIQUE ET ENVIRONNEMENTALE POUR LES AGRICULTEURS, LES MÉTHANISEURS ET LES COLLECTIVITÉS.
Ce secteur représente environ 500 entreprises en France. Les perspectives de création d’emplois à horizon 2030 sont de 10 000 emplois directs et 60 000 emplois indirects (source : Scénario Négawatt). Ce secteur recrute sur des métiers très larges avec ou sans qualification suivant les postes. D’ailleurs, le Ministère de l’Agriculture prépare pour fin 2019 un Certificat de Spécialisation « responsable d’une unité de méthanisation agricole ». Une formation « Montage de projets » est également en cours de préparation.
Le biogaz obtenu par la méthanisation est une source d’énergie renouvelable qui peut se substituer à l’énergie fossile. Elle est aussi une solution durable pour mieux gérer les déchets agricoles et les biodéchets, en évitant l’incinération ou encore l’enfouissement.
Les déchets organiques ont un pouvoir méthanogène intéressant pour booster le rendement d’une unité de méthanisation. Depuis le Grenelle 2, les biodéchets doivent être valorisés au maximum par cette nouvelle filière et non plus en incinération ou enfouissement. Ces matières sont souvent complexes et doivent être retraitées par une solution de filtration ou de déconditionnement.
La méthanisation permet aux agriculteurs de valoriser leurs effluents d’élevage. Le biogaz créé devient source de revenus complémentaires grâce à la revente dans le réseau et une source de réduction des charges fixes avec l’utilisation de la chaleur en interne – dans le cas d’une installation en cogénération. Cela leur permet de compléter leurs activités, de diversifier leurs revenus et ainsi pérenniser leur activité agricole.
POUR RÉPONDRE AUX PRÉJUGÉS QUE POUVAIENT AVOIR LES FUTURS RIVERAINS D’UNITÉ DE MÉTHANISATION, NOUS AVONS RETENU LES PRINCIPALES QUESTIONS RÉCURRENTES DANS LES PÉTITIONS. VOICI LES RÉPONSES DES DIFFÉRENTS ACTEURS, TOUCHÉS DE PRÈS OU DE LOIN PAR CES SUJETS.
Hervé CARREAU Habitant proche d’une unité de méthanisation
Luc Germanier Exploitant d’un site de méthanisation Ecorecyclage
Grégory LANNOU Directeur Biogaz Vallée ®
La réponse de Hervé CARREAU :
« Ce n’est pas le site de méthanisation mais les effluents d’élevage qui émettent des odeurs. La population qui comme moi est issue du milieu paysan, ne focalise pas sur cet état de fait puisqu’il fait partie du contexte rural et du métier. De plus, nous sommes suffisamment éloignés du site pour ne pas être dérangés. Notre société aseptisée a oublié que toute consommation entraine des déchets qu’il faut, dorénavant, savoir traiter en respect avec notre environnement, même si cela comporte quelques menus désagréments olfactifs, précisons-le non nocifs… » La réponse de Luc GERMANIER ECORECYCLAGE :
« Les déchets émettent des odeurs, mais une usine de méthanisation correctement pensée et bien conçue n’en émet pas. C’est un milieu totalement fermé, tout est traité à l’intérieur, ça passe ensuite dans le digesteur, donc non, un site de méthanisation n’émet pas d’odeur si celui-ci est correctement couvert. Si le compost est à l’extérieur, ce n’est plus de la méthanisation, mais de la valorisation de matière, les odeurs sont différentes. » La réponse de Grégory LANNOU :
« Si l’unité de méthanisation est par exemple adossée à une porcherie, les odeurs pré-existaient et provenaient de la porcherie, notamment du fait des effluents d’élevage à l’extérieur. La méthanisation va désodoriser les effluents d’élevage et réduire grandement les nuisances olfactives. »
« Par contre si l’on crée une unité de méthanisation là où il n’y avait rien auparavant et que l’on amène des matières fraîches, il peut y avoir des odeurs par moment, mais cela reste ponctuel. Il est donc pertinent d’avoir des stocks tampons les plus faibles possibles, de bien travailler les matières, éventuellement de faire en sorte qu’elles soient couvertes par un bâtiment avec un traitement de l’air. Tous ces préalables doivent être mis en œuvre pour éviter ce souci d’odeurs. Il faut avoir en tête que s’il commence à y avoir des odeurs, c’est peut-être que la fermentation a commencé et si tel est le cas avant que la matière soit dans le digesteur, c’est que l’agriculteur ou le méthaniseur perd de la production de biogaz, et donc de l’argent. Ainsi, il a le même intérêt que la population, c’est-à-dire que ça ne sente pas car: 1) il ne souhaite certainement pas subir lui-même les nuisances, 2) il n’a aucun intérêt à les faire subir aux riverains et 3) il perd certainement de l’argent. Tout le monde poursuit donc le même intérêt. »
La réponse de Hervé CARREAU :
« Encore une fois, nous sommes suffisamment éloignés. C’est une ferme isolée, à l’écart des habitations et du village qui n’entraine pas de nuisances sonores à notre niveau. L’activité de méthanisation n’a pas ajouté de bruit à l’activité agricole originale » » La réponse de Luc GERMANIER ECORECYCLAGE :
« Ce qui pourrait faire du bruit serait les broyeurs, mais il y a des réglementations et des normes, tout est contrôlé pour ne pas causer de nuisance. La tondeuse de gazon du voisin pourrait être plus gênante ! » La réponse de Grégory LANNOU :
« Les moteurs peuvent être bruyants par exemple, mais ils sont enfermés dans des caissons et les sites sont éloignés des maisons, car des périmètres sont à respecter. «
La réponse de Hervé CARREAU :
« Je n’ai jamais constaté moi-même ou entendu de plaintes par les riverains sur ce sujet. Ceci étant, de la qualité du déconditionnement dépendra la qualité du digestat épandu sur les sols. » La réponse de Luc GERMANIER ECORECYCLAGE :
« Ce sont des produits organiques donc non polluant. Toutes les zones de traitement sont étanches donc c’est impossible. » La réponse de Grégory LANNOU :
« Il y a des bassins de rétention qui équivalent à ce que les cuves peuvent contenir, pour qu’il n’y ait pas de risque de pollution des sols justement. Par ailleurs, il faut se rappeler que les matières, une fois digérées, constituent un fertilisant appelé digestat qui a vocation à retourner au sol ! »
La réponse de Hervé CARREAU :
« Le site est en place depuis 5 ans et il n’y a jamais eu de problème. » La réponse de Luc GERMANIER ECORECYCLAGE :
« Le biogaz est plus léger que l’air, il ne peut y avoir d’accumulation de biogaz dans un trou par exemple. Il n’y a pas de poche de gaz possible non plus, au pire le méthane part dans l’atmosphère mais n’explose pas. » La réponse de Grégory LANNOU :
« Le gaz véhicule un imaginaire et fait peur. Maintenant il faut savoir que les membranes qui sont au-dessus des digesteurs, donnent l’impression d’être sous pression continue mais il s’agit en général d’une technologie de double membrane où la membrane extérieure est maintenue en tension. Pour fixer les idées, il faut savoir qu’il y a moins de pression dans un digesteur que dans un pneu de voiture. Par ailleurs, je vous invite à réfléchir sur le fait que l’on s’inquiète d’un hypothétique risque explosion d’une unité isolée, alors qu’en ville on accepte très bien d’avoir une station-service au pied de son immeuble ! »
La réponse de Hervé CARREAU :
« Les camions ne sont pas tant le problème, c’est plutôt la dégradation des petites routes rurales liée au poids des véhicules. Mais je pars du principe qu’il faut résonner positivement et essayer de trouver des solutions pour résoudre ces problèmes plutôt que de choisir une solution radicale qui consisterait à faire fermer le site. Etant de culture plutôt orientée sur le développement durable, je ne peux pas critiquer négativement un tel investissement qui va dans le sens de la production d’énergie propre. A nous tous de faire évoluer positivement le concept ! » La réponse de Luc GERMANIER ECORECYCLAGE :
« Largement moins que les vacances en été ! Le trafic à la déchetterie a plus de risque de saturer le réseau communal que le trafic de camion au centre de compostage. Les voitures se déplacent quotidiennement à la déchetterie avec pas plus de 25kg de déchets, alors que les quelques camions qui viennent au centre de compostage peuvent charrier eux entre 12 à 15 tonnes par voyage, donc le trafic est insignifiant. L’hôpital d’à côté a plus de trafic et finalement plus de « nuisance » et personne ne s’en ai jamais plaint. Ce n’est pas significatif. » La réponse de Grégory LANNOU :
« Il faut relativiser, on parle de 3 à 4 camions par jour environ. Rapporté au trafic journalier, l’impact est quasi inexistant. »
« L’important n’est pas de convaincre, mais de donner à réfléchir » Bernard Werber